Quel honneur d’avoir été nommée dans l’ordre national du mérite par Cédric O !
Voici quelques éléments du discours que j’ai prononcé à cette occasion :
« Cet engagement dont tu viens de parler, il a pris racine très tôt, il remonte à très loin, du plus loin qu’il m’en souvienne, je crois que toute petite fille, je voulais faire en sorte d’empêcher Hitler et les nazis de prendre ses parents à ma mère et de la faire pleurer.
Et si je cherche bien, je ne retrouve pas vraiment le déclic, le moment où j’aurai pu comprendre que ce n’était pas possible.
Donc sans vouloir refaire l’histoire, j’ai toujours eu à cœur de faire en sorte au moins que cette histoire-là ne se reproduise jamais.
Si je remonte à l’enfance toujours, il y a un évènement qui m’avait marquée, j’avais 6 ans environ, des étudiants d’extrême droite avaient fait une virée pour casser la gueule à des étudiants LCR au lycée de ma sœur juste à côté de chez nous et ça m’avait terrorisée. Ma mère très longtemps a raconté que je disais avoir peur des « fassos » (j’avais un cheveu sur la langue très prononcé). J’avais peur des fachos (je le dis beaucoup mieux maintenant)
Peu de temps après, j’avais été traumatisée également par l’affaire du pull-over rouge que m’avait raconté ma grande sœur et j’avais la conviction, avant même d’avoir 10 ans, que la peine de mort était une « honte pour l’humanité » comme le dit le grand Robert Badinter et que son abolition était une nécessité.
Voilà, ces quelques flashs de mon enfance qui expliquent que je redoute toujours la guerre, la violence, l’inhumanité, les fascistes en tout genre mais aussi, que je me sens une responsabilité dans la préservation d’un monde sans ces maux-là, un monde de paix et de justice.
Cet engagement, il s’est affuté au cours de mon adolescence en fonction des rencontres, des évènements, des influences.
A la maison, on regardait le journal télévisé pendant les repas. On racontait pas forcément nos journées à l’école ou au travail mais on était au courant de l’actualité, de tout ce qui se passait dans le pays et dans le monde, on regardait Anne Sinclair aussi, dans 7 sur 7, toutes les semaines, on parlait de l’actualité politique, on aimait la politique, on savait que la politique était importante.
Et la politique chez nous, c’était le parti socialiste.
A chaque élection, quand j’allais dans l’isoloir avec l’un de mes deux parents, je savais qu’ils votaient socialiste.
J’ai été élevée dans la « religion » de François Mitterrand, on ne connaissait pas tous les détails de son passé à l’époque, mais je crois que mes parents n’ont jamais renié l’admiration qu’ils lui ont porté.
Son élection en 1981 a été un évènement joyeux à la maison, c’était l’avènement de la gauche avec ce que ça charriait de promesse d’égalité, de lendemains qui chantent.
Par la suite, j’ai dépassé mes parents, je crois dans leur mitterrandisme, ado, j’ai lu tout Zola et j’ai aussi lu tout François Mitterrand.
Dans ces année-là, les années 80, j’ai été très marquée aussi par la monté du Front national, les sorties choquantes de JM Le Pen, et aussi par des aussi des faits divers racistes tragiques, un climat raciste qui régnait en France dans ces années 80, un petit garçon maghrébin qui s’est fait tirer dessus à La Courneuve, un jeune homme maghrébin battu et défenestré dans un train par des apprentis légionnaires, qui avait fait l’objet d’un film de Roger Hanin, Train d’Enfer, et j’ai trouvé à exprimer mon aversion du racisme en arborant la petite main Touche pas à mon pote crée par SOS Racisme et même celui d’après qui reprenait la salopette de Coluche et qui disait « réveille toi mon pote ils sont devenus fous ».
Et puis, j’ai manifesté contre les lois Devaquet, c’était mes premières manifs, j’ai le souvenir de moments exaltants, jusqu’à la mort tragique de Malik Oussékine.
Voilà, je portais le badge Touche pas à mon pote, je manifestais, j’écoutais des chanteurs engagés, Renaud était mon chanteur préféré, je chantais dans ma chambre, « Société tu m’auras pas » et, de fil en aiguille, j’ai adhéré au parti socialiste un peu avant mes 20 ans.
Je suis rentrée au PS pour lutter contre le racisme et pour la justice, mais surtout, il se trouve que quand François Mitterrand a nommé L. Fabius 1er ministre en 1984, je suis tombée un peu amoureuse de lui, je le trouvais très beau, très intelligent. A l’époque, j’aimais les vieux.
Et en 1990, il y a eu le Congrès de Rennes et il y a été très chahuté. Le congrès de Rennes c’était un peu le chaos et ça, c’est mon côté ashkénaze, j’aime bien le chaos alors je suis entrée au PS, en gros pour sauver le parti de F. Mitterrand et de Laurent Fabius.
Je suis devenue militante, en avril 1990, et je n’ai jamais cessé de l’être.
J’étais une militante de base, qui distribuait des tracts, j’en distribue toujours, je sais maintenant que c’est certainement pas ça qui fait gagner des élections mais pour moi, le terrain, c’est la quintessence de toute action politique.
Des tracts j’en ai distribué quand on était au pouvoir, quand les gens étaient en colère contre nous, pour des élections locales où c’était perdu d’avance, dans des quartiers favorables ou carrément hostiles, j’en ai distribué à Sartrouville, à Colmar, où j’ai vécu 2 ans, dans le 17è quand je suis revenue à Paris, dans le 10è évidemment et maintenant aussi dans le 3è.
Et c’est toujours, toujours cette sensation, d’être le premier contact des gens avec la politique, ceux qui passent rapidement, indifférents, et qu’on réveille un peu pour leur rappeler une échéance électorale ou des enjeux essentiels à notre société, ceux qui ont juste besoin de comprendre, de râler, de savoir, de questionner, de faire valoir leur point de vue, ceux qui sont rassurés de nous voir parce qu’ils pensent comme nous et que ça leur fait du bien de pouvoir partager ça, le temps d’un sourire, d’un clin d’œil, d’un mot d’encouragement, ceux qui sont en colère, parfois très en colère.
Mais peu importe, ce qui compte, c’est d’être là, de porter ce à quoi on croit, ce qu’on propose, ce qu’on pense juste, de l’assumer, de le défendre, de répondre aux questions, de prendre les encouragements, d’écouter les doutes, les déceptions et aussi les colères. Etre là pour se faire engueuler parce que quand on va chercher les voix des gens, la moindre des choses c’est de les écouter. Les gens sensés, les rigolos, les fous. On croise de tout mais être là, sur le terrain, prêts à absorber une part de leur exaspération, c’est essentiel, pour continuer à avancer ensemble.
Il y a des militants ce soir ici, avec qui j’ai distribué des tract pour le PS, il en reste quelques-uns, et puis des marcheurs, qui m’ont certainement redonné un coup de peps dans mon engagement militant, quand j’ai rejoint En Marche en 2017 et je voudrais vous saluer, vous remercier du temps passé ensemble, c’est loin d’être toujours facile, c’est beaucoup de temps pris sur la vie personnelle, c’est parfois frustrant, démobilisant, fatigant, mais on sait qu’on est là pour quelque chose qui nous dépasse, de plus grand que soi, pour le destin commun.
Et le terrain, c’est comme ça aussi que j’ai conçu ma fonction d’élue. Parce que de fil en aiguille, j’ai fini par me retrouver sur la liste PS du 10è aux élections municipales de 2008.
J’ai adoré être élue locale. Je me suis retrouvée à la voirie alors que je n’y connaissais rien mais c’est ça qui est passionnant, se grandir, sortir de soi, apprendre, écouter les experts, les services techniques, les ingénieurs de la Ville de Paris, écouter les gens aussi, les riverains, les commerçants, le kiosquier du coin, la gardienne, les éboueurs, les directrices et directeurs d’école. Ecouter ces gens pour comprendre comment vit la ville, la rue, le quartier, se coltiner au réel.
Forcément, en charge des travaux d’aménagement, je me suis tapée à peu près toutes les réunions plénières de conseil de quartier du 10è, mais aussi les commissions vélos, sanisette, poubelles de rue, bancs, j’ai moi-même organisé des réunions de concertation, ateliers participatifs, marches exploratoires et j’adorais ça.
Quand on se fait bousculer pendant tout un conseil de quartier, c’est épuisant mais c’est le sens de la politique, vous savez, toujours écouter, expliquer, répondre, absorber une part de la colère, de l’exaspération… Mais être élue c’est aussi trouver l’équilibre entre le technique, le politique, le budgétaire, mettre les gens en face de leurs contradictions, prendre du recul, de la hauteur, adosser sa décision aux convictions et aux valeurs qui nous ont portées à ce poste et trancher en fonction de l’intérêt général.
Je ne crois pas au dogme et aux idéologies, je suis une militante du réel, c’est moins flamboyant mais voilà, je suis une pragmatique.
Alors dans le 10è, j’ai rebouché beaucoup de trous et redressé beaucoup de potelets, mais j’ai aussi travaillé sur de plus grands projets, comme la Place de la République. (…)
De fil en aiguille je suis devenue députée. Je vous parlais de concret mais oui, être députée c’est aussi évidemment travailler sur du concret et je l’ai fait de la même manière que quand j’avais été élue locale.
Un des premiers sujets sur lesquels j’ai travaillé, c’était la lutte contre le harcèlement de rue. Merci à Marlène Schiappa de m’avoir donné cette opportunité, avec Laëtitia Avia notamment, de proposer une réponse à ce fléau qu’on a toutes ressenti un jour, et qui était au cœur des préoccupations notamment des femmes de mes quartiers, dans le 10è arrondissement. Alors on a entendu des juristes, des policiers, des politiques, des associations, on a entendu des doutes, des oppositions, des encouragements, beaucoup d’attente et au bout de ce travail, quand on a voté la loi que tu portais Marlène, quel bonheur de lire les remerciements d’une femme du 10è qui me disait, que maintenant, elle pourrait s’opposer aux types qui tous les jours les embêtaient dans la rue, elle et sa fille ado, en leur disant « la loi est avec moi, la loi est de mon côté » et quel bonheur quand je suis allée au collège Liberté de Drancy rencontrer les élèves de mon amie Marine Rosset, et qu’un jeune garçon, dans la discussion m’a dit « mais on savait pas que c‘était interdit ». Justement, jusqu’à cette loi, ça ne l’était pas, interdit.
Faire la loi, c’est ça, c’est répondre aux préoccupations du quotidien, c’est s’ancrer dans la réalité.
J’ai travaillé sur de beaux sujets en étant députée, dans la plus belle des commissions, la commissions des lois, et je salue sa présidente Yaël Braun-Pivet, et je pourrai passer la soirée à vous en parler, mais je vais juste citer bien-sûr la loi Asile Immigration Intégration dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteure. C’est un sujet qui continue à me tenir à cœur, on me sollicite encore pour en parler parfois, sujet casse gueule par excellence, où il y a beaucoup de coups à prendre et j’en ai pris quelques-uns, et sujet qui de mon point de vue s’accommode particulièrement mal des positions dogmatiques. Entrer dans ce sujet avec pragmatisme ce n’est pas y entrer sans valeur mais c’est y entrer sans naïveté, sans hypocrisie, c’est agir avec le souci des gens et pas de soi-même, c’est un sujet sur lequel il n’y a pas de camp à choisir, c’est typiquement le sujet qui exige du « en même temps ».
Et quand lors des débats sur cette loi, dans l’hémicycle, j’ai eu l’occasion de me lever pour répondre à Marine Le Pen et de lui dire « Madame Le Pen, je pense exactement le contraire de vous », j’avais vraiment l’impression d’être à ma place !
J’aimerais aussi dire un mot du groupe d’amitié France Israël que j’ai eu l’honneur de présider, juste un mot parce que il y ici des députés qui sont venus en Israël pour la 1ère fois dans ce cadre. Et oui, faire découvrir Israël à des élus de la Nation, la démocratie israélienne, vivante, vibrante, les valeurs que nos deux pays partagent, la culture, la liberté, la démocratie à nouveau, et bien ça donne là aussi, ce sentiment de servir à quelque chose.
Le travail du député est toujours utile et respectable, dans cette époque où la politique est tellement dévalorisée, j’aimerais que cette distinction honorifique soit vue comme un encouragement à l’action publique.
Alors ce parcours politique, ce parcours d’engagement, il est marqué par des influences, des évènements.
Je vous ai parlé de François Mitterrand déjà.
Il se trouve que quand j’ai commencé à militer à Sartrouville, c’était dans les Yvelines, et c’était une fédé rocardienne, on allait écouter Rocard à Conflans Sainte Honorine de temps en temps et très vite, j’ai aimé son discours sur l’Europe, et aussi sa façon de concevoir la politique comme une négociation, une discussion entre les différentes parties de la société.
Alors je suis devenue un spécimen assez rare de mitterando-rocardienne. D’aucuns diront que je ne comprenais rien à la politique. Moi je dirai que j’étais déjà dans le « en même temps », le dépassement des clivages.
Pendant longtemps j’ai choisi de militer au PS sans appartenir à aucun courant.
Et puis, il y eut Pierre Moscovici et Besoin de Gauche. Une sensibilité réformiste qui me convenait bien, l’Europe toujours mais aussi réfléchir à un nouveau modèle de développement qui préserve la planète, affirmer une volonté d’innover, d’inventer de nouvelles réponses de gauche à la mondialisation. Besoin de Gauche, c’étaient des réunions passionnantes autour de Pierre, c’était des réunions dans le local PS du 3è, à débattre, à refaire le PS, à boire des coups avec les copains, mon cher Jean-Philippe, et aussi Danièle Hoffman, à qui j’aimerais rendre hommage. On a beaucoup de choses en commun avec Danièle mais ces soirées passées dans le local du 3è avec Besoin de Gauche Paris restent dans mes meilleurs souvenirs avec elle. BDG marque aussi mon entrée au conseil national du PS, des responsabilités nouvelles pour moi, c’était le congrès de Reims, autre grand moment chaotique du PS, que j’ai adoré vivre, et puis BDG, c’est des rencontres qui marquent à vie, un certain Luc Broussy, un certain Cédric O, et puis un tout jeune homme, qui m’a approchée pour la 1ère fois alors que j’étais en pleine conversation avec Pierre Moscovici le jour même de la création de BDG à Alfortville et qui est devenu l’amour de ma vie.
Et puis, il y a des évènements qui influencent un peu plus particulièrement votre parcours, vos engagements.
Le 19 mars 2012 un terroriste islamiste assassine un instituteur et 3 enfants devant l’école Ozar Hatorah de Toulouse, il va jusqu’à poursuivre une petite fille pour l’assassiner à bout portant, parce qu’ils étaient juifs, je me souviens m’être dit en entendant la nouvelle, « j’espère que c’est un type d’extrême droite », je pressentais que ce serait plus facile de m’insurger, de lutter, de réclamer justice. Mais ce n’était pas un militant d’extrême droite, c’était un fasciste certes, mais d’une autre espèce. Et en effet, il s’est avéré plus difficile de s’insurger, de réclamer justice.
Le soir même, nous étions une poignée, une vingtaine seulement à manifester place de la République,
En janvier 2014, le Jour de colère à Paris, a vu défiler ensemble des militants d’extrême droite et des dieudonistes parfois issus de l’immigration, scander alternativement des « mort aux juifs », « mort aux sionistes » , « juifs dehors, la France n’est pas à toi », à grand renfort de quenelles, de « shoannanas », de saluts nazi.
En juillet de cette même année, 2014, je me suis retrouvée au métro Barbès pour aller au cinéma le Louxor, en pleine manifestation en soutien à Gaza, j’ai entendu scander au milieu du cortège des « Mort à Israël » et « Mort aux juifs », Guillaume alors a eu le réflexe de cacher mes médailles, je portais une menorah et un raï à l’époque, et pour la 1ère fois de ma vie, j’ai eu peur en tant que juive, tout près de chez moi, dans les rues de Paris.
Le 11 janvier 2015, c’est la tuerie contre Charlie Hebdo, suivie de la tuerie dans l’Hyper cacher. Il y avait ces tragédies, cette ambiance depuis 2012 mais c’est certainement ces jours de janvier 2015 qui ont fait que la lutte contre l’islamisme, contre l’antisémitisme sous toutes ces formes, la lutte pour la défense de notre modèle de société, pour nos libertés, la liberté d’expression, la liberté de conscience, la liberté d’aimer, sont devenues centrales dans mon engagement.
Je faisais partie de ces juifs qui n’avaient pas vraiment vu la montée de ce nouvel antisémitisme, je ne l’avais pas connu moi-même, et je pensais que ce qu’on entendait remonter des banlieues, de plus en plus, était probablement exagéré.
Jusqu’à présent, je m’étais engagée sur la culture, pour l’Europe, la sociale démocratie, en tant qu’élue, je travaillais sur l’aménagement urbain, mais depuis 2014 et très spécifiquement en janvier 2015, la petite fille en moi qui voulait vaincre les nazis a refait surface.
Après, il y a eu le 13 novembre 2015, les attentats aux Carillon, aux Petit Cambodge, autant dire, chez nous, à 200 mètres d’où nous habitions, des endroits où nous avions nos habitudes depuis toujours. Et l’horreur du Bataclan. Je pense à mon ami Jean-Michel Fauvergue qui était patron du raid à ce moment-là. Et je pense à Suzon, à qui la Sorbonne rend hommage en ce moment même. Suzon dont le regard de petite fille ne me quittera jamais et qui a été fauchée à 21 ans par ces barbares islamistes au Bataclan. Je pense aussi à ma chère amie Sabine dont le texte qu’elle a écrit pour Suzon sera lu pour la 1ere fois dimanche 14 au Théâtre ouvert.
Novembre 2015 c’est une blessure intime, pour la mort de Suzon, pour l’attaque de lieux qui m’étaient si familiers et aussi une blessure en tant qu’élue du 10è arrondissement attaqué, ensanglanté, pour sa liberté, sa diversité, tout simplement parce qu’il était un arrondissement vivant.
Et c’est parce que défendre la République, ses valeurs, défendre la laïcité, prendre la mesure du danger qui existait pour la paix dans notre pays, pour notre liberté, pour notre sécurité à tous, est devenu central dans mon engagement, que lorsque tu es venu nous solliciter mon cher Cédric, début 2016 pour rejoindre En Marche, je t’ai répondu que ce que j’espérais avant tout à ce moment là, c’est que Manuel Valls soit candidat à l’élection présidentielle et qu’alors je ferai tout pour qu’il devienne président de la République.
J’appréciais déjà Emmanuel Macron, son intelligence, son énergie, son coté iconoclaste mais j’avais le sentiment d’avoir quelque chose d’important à accomplir avec Manuel face à ces attaques répétées contre notre République.
Manuel Valls qui déjà avait fait interdire des spectacles de Dieudonné, et qui avait affirmé que la France sans les juifs de France ce n’est plus la France.
Alors de fil en aiguille mon cher Manuel, je suis devenue ta porte-parole dans ta campagne des primaires de la gauche et j’ai adoré ça. Ce n’était pas simple mais je vous l’ai dit, j’aime le chaos !
Après ta défaite, le soir même, je savais que j’allais soutenir Emmanuel Macron. A l’instar de Bertrand Delanoë, qui l’avait si bien dit, j’ai préféré mon pays à mon parti. Un parti, contrairement à ce qui se dit parfois, ce n’est pas une famille. Un parti, c’est un moyen et pas une fin. On ne doit rien au parti, c’est lui qui doit tout à ses militants. Aussi peut-on le quitter, ça s’appelle la liberté de penser, la démocratie tout simplement.
Aujourd’hui mon parti c’est En Marche, on y défend l’Europe, l’émancipation, l’égalité entre les femmes et les hommes, la fin des inégalités de destin, la République contre les séparatismes, bref, j’y suis à ma place. Et je suis heureuse de soutenir Emmanuel macron qui est un très grand président de la République.
Voilà une vie d’engagement en politique, tu l’as dit cher Cédric, des engagements, j’en ai eu d’autres, j’ai été avocate, mais bon, je défendais des compagnies d’assurance alors je suis pas sure que mes combats profonds ont trouvé à s’exprimer à ce moment-là, j’ai travaillé au ministère de la culture et notamment pendant 6 ans aux Archives nationales. Je remercie Pascal Dal Pont qui m’y a embauchée. C’est une belle institution les Archives nationales et je suis heureuse d’avoir contribué à ce grand et beau projet.
Et puis, j’ai fait du théâtre, le cours Florent, la compagnie l’Echappée belle, Cabaret, Trahisons, Autour tout est calme, où j’ai trouvé le moyen de chanter Yidishe mame au milieu de textes de Tchekhov. C’est un engagement le théâtre, comme l’écrit si bien Valérie Lang : « le théâtre c’est politique. Le théâtre c’est partager, c’est engager une part de soi pour l’autre, ou la totalité de soi, c’est politique » Au-delà de cet aspect, j’ai vécu pendant cette période, des moments d’une grande intensité, beaucoup d’émotion, d’humanité, de folie, la vie en grand quoi. Comme en politique finalement.
Pendant mes études de droit, quand j’ai été avocate, au Cours Florent, j’ai rencontré des amis qui aujourd’hui encore, font le sel de ma vie, et je sais que ces étapes ont au moins servi à ça, m’amener jusqu’à vous.
Quand j’ai quitté l’assemblée nationale, il n’y avait pas 36 endroits où j’aurai pu atterrir pour retrouver ce sentiment d’utilité, cette sensation de servir à quelque chose de plus grand que moi, il y avait cet endroit où j’avais déjà rêvé d’aller travailler, quand Danièle Hofman l’avait rejoint et m’en parlait, et aussi parce que je partageais à peu près tout ce que je lisais de son chef de l’époque, mon cher Gilles Clavreul, c’était la DILCRAH. Je te remercie mon cher Cédric de m’avoir aiguillé vers la DILCRAH dans le cadre du travail mené avec Laetitia contre la haine en ligne. Je te remercie mon cher Frédéric de m’y avoir accueillie au sein d’une véritable dream team. J’ai kiffé dès que je suis arrivée à la DILCRAH ! Aller sur le terrain à nouveau, pour lutter contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti LGBT, dans le fin fond de l’Orne ou de l’Aveyron, aller former les gardiens de la paix, les futurs professeurs, un peu partout sur le territoire, accompagner ces associations des plus petites aux plus grandes qui œuvrent au quotidien pour la fraternité, accompagner pour le Prix Halimi à des jeunes qui s’engagent contre les préjugés racistes et antisémites, quand la PMA pour toutes est adoptée ou encore récemment quand l’interdiction des thérapies de conversion est votée par l’assemblée nationale. Alors parfois on a l’impression que la tâche est trop importante, qu’on y arrivera pas, que tout ça sert à rien, mais on continue, on se bat, tous les jours et je voudrais saluer, Sophie Elizéon et tous mes collègues de la DILCRAH, ces combattants du quotidien.
D’autres figures très proches ont influencé ce parcours
Mon mari, Guillaume Macher, mon amoureux, qui me conseille, me supporte, me réconforte, me soutient et m’encourage. On partage de beaux moments de vie et beaucoup d’amour.
Là il est enfin temps de parler de mon fils ! Parce que tout ce que je vous raconte depuis le début, les nazis, la peine de mort tout ça, c’est un peu du flanc. Peut-être que toute cette agitation pendant ces années, c’était surtout pour le laisser respirer un peu, pour qu’il ne croule pas trop sous mon amour surdimensionné. Merci d’avoir tout supporté, les répétitions à la maison, les soirées d’AG ou de conseil d’arrondissement ou tu te faisais des plateaux télé tout seul, encore bien petit. Merci d’être devenu ce grand jeune homme intelligent, drôle et délicat. J’aimerais juste bien que tu donnes un peu plus de nouvelles mais ça va, je suis tellement fière de ton parcours.
Heureuse aussi de la famille qu’on forme tous les 3. C’est ce qui m’a permis de tenir dans des moments plus tendus que d’autres.
Je voudrais vous parler de mes parents. Quand j’ai été nommée ils étaient encore avec nous. Ma mère je suis pas bien certaine qu’elle a percuté de quoi il s’agissait mais mon père a exprimé une forme de joie avec sa jovialité naturelle. Pour illustrer ce qu’il a du penser à ce moment, j’aimerais vous lire un sms qu’il m’a envoyé en ce fameux mois de décembre 2018 : « Ma fille, quand tu t’es engagée en politique, j’ai eu 2 sentiments, la fierté et l’inquiétude. Aujourd’hui je suis au courant des insultes et de la haine dont tu es la cible, saches que je suis avec toi dans cette épreuve, continue selon ta conscience, je t’embrasse ».
Mes parents étaient des gens simples, qui ont eu une enfance difficile, c’était des enfants séparés de leur famille, des enfants cachés. Ma mère séparée de ses parents le 16 juillets 42, a été placée de famille en famille jusqu’en 45, puis accueillie dans la maison d’enfant de Sèvres, par Roger et Yvonne Hagnauer, Pingouin et Goéland, un documentaire de Michel Leclerc est actuellement en salles qui retrace leur histoire. Mon père, a été caché pendant la guerre par la famille Barbotte, il a toujours parlé d’Eugénie Barbotte avec tendresse et je lui fais cette promesse de la faire reconnaitre un jour comme Juste parmi les Nations. Ils n’ont pas fait d’études ni l’un ni l’autre, mais ils nous ont élevé avec ce leitmotiv : étudiez, ce que vous voulez mais étudiez, apprenez un bon métier et travaillez.
Nous avions ce port d’attache au 5 rue Bataille à Sartrouville, où nous partagions tout un tas de références culturelles qui allaient de Marius Fanny César, et Rosalie, à Vincent François Paul et les autres, de Rabbi Jacob au Corniaud, de Coluche à Yves Montand, une culture populaire qui a façonné mon regard sur le monde. Une culture profondément juive et profondément laïque.
Leur amour indéfectible, leur générosité sans borne, m’ont donné la force, la confiance et la liberté pour ce parcours que nous venons de retracer.
Ils ne sont plus là aujourd’hui mais si vous y prêtez un peu attention vous les retrouverez dans les regards, les sourires et le cœur de leurs 3 enfants, ma sœur et mon frère et de leurs petits enfants, les 4 présents, Laure, Mélissa, Yona et Simon et celui en visio. Je salue aussi Antoine et Raphaël.
Enfin pour fini, je voudrais rendre hommage à mes 5 grands-parents, j’en ai eu 5, il y avait déjà de la recomposition dans l’air. Tous les 5, ils ont quitté la Pologne violemment antisémite dans les années 1920 et fait le choix de la France, patrie des droits de l’homme et de l’émancipation des juifs. Parlant à peine le français, avec un accent à couper au couteau, Ils y ont travaillé et fondé une famille. Il y ont subi les discriminations, ont porté l’étoile jaune, la haine antisémite érigée en politique publique, les dénonciations, arrestations par la police française, pour certains la déportation.
Ils étaient tous les 5 juifs étrangers, apatrides, réfugiés politiques, ce qui alors, pas plus qu’aujourd’hui, ne peut justifier ce qu’ils ont vécu. On ne trie pas les juifs français et les juifs étrangers.
Je voudrais les citer, chacun d’eux. Tauba Gomplevitch Frischmann, dont ma mère disait qu’elle était une sainte, qui élevait ses 5 filles dans des conditions plutôt difficiles, il n’y avait pas beaucoup d’argent à la maison et qui faisait des grandes tablées pour tous les oncles tantes et cousins les soirs de fête. Mendel Frishmann, qui était tailleur et qui aimait aussi beaucoup taper le carton à la pointe Rivoli. Ils ont été arrêtés tous les 2 le 16 juillet 42, séparés de leurs filles, dont la plus jeune Sonia, ma mère avait 8 ans. Ils ont été emmenés à Drancy, puis déportés à Auschwitz par le convoi n° 9. Ils n’en sont pas revenus.
J’en profite pour saluer la mémoire de Rosette Frischman ma tante, arrêtée à 21 ans le 30 juin 1944, parie à Auschwitz par le convoi 76 et n’en est pas revenue.
Céline Ell, ma grand-mère paternelle, une sacrée personnalité, très forte et très fragile émotionnellement, on dit que je tiens d’elle. Elle était colporteuse, elle vendait des boutons, de la passementerie pour les tailleurs. Elle a été arrêtée, emmenée à Gurs d’où elle a réussi à s’échapper. Son frère et son beau-frère qui étaient avec elle, ont été déportés et ne sont pas revenus.
Mon grand-père Zanwel Fajgeles, peintre en batiment est entré dans des réseaux de résistance juive pendant la guerre et allait ravitailler de familles qui se cachaient. C’est là qu’il a rencontré Hayele qui fut sa compagne jusqu’à sa mort. Ils ont ouvert ensemble un atelier de confection où mon père a travaillé dès ses 14 ans puis sont partis se retirer à Menton. C’est finalement la seule grand-mère que j’ai bien connue, celle nous faisait du pied de veau en gelée et du foie de volaille haché et nous parlait avec cet accent yiddish si tendre et si bouleversant. Le pantire…le vison argentéï…
Mes grands-parents que je fais entrer dans l’ordre national du mérite avec moi, si tu m’y autorises mon cher Cédric, car cette décoration valide en quelque sorte leur choix de la France dont ils ont connu le pire visage. Ils seraient fiers de voir la reconnaissance qui m’est faite aujourd’hui parce qu’ils pourraient constater que la France a surmonté ces turpitudes pour être ce qu’ils espéraient effectivement trouver : le pays de la République, des Lumières et de la démocratie.
Je tacherai de m’en montrer digne. »