Après cette magnifique Marche des fiertés 2019, festive et très très chaude cette année, je voulais formuler quelques observations sur l’ouverture prochaine de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules.
Discutée au Parlement à la rentrée prochaine à l’occasion de la révision des lois de bioéthique, cette mesure obtient l’adhésion d’une majorité de français dans de nombreuses études d’opinion. Le débat devrait donc pouvoir avoir lieu, au Parlement mais aussi dans les médias, sur les réseaux sociaux, et dans la rue, dans une atmosphère tout à fait « apaisée ». Pour autant, l’appel maintes fois répété au débat « apaisé » ne doit pas se transformer en incantation vide de sens ou en gimmick.
Que des opposants types issus de la Manif pour tous, de Sens commun, des extrémistes de toutes les religions profèrent contre-vérités et horreurs réactionnaires et homophobes, nous leur répondrons rationnellement et avec détermination.
Mais il me tient également à cœur de répondre à ceux, qui, de bonne foi, par manque d’information, parce que ce sujet leur est lointain, expriment doutes et réticences.
Ce sujet est profondément humain, il doit plus que tout autre échapper aux postures et au dogmatisme. Et ce qui parait évident, non sujet à discussion, à ceux qui se battent depuis des années, à ceux qui vivent cela dans leur chair, ne l’est pas autant pour ceux qui en sont plus éloignés. Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas se retrouver. Il faut juste prendre le temps de se parler. C’est en cela que nous pouvons travailler à un débat apaisé !
La médecine évolue, la science évolue, la façon de faire famille évolue.
Nous avons tous connu des situations réelles, soit personnellement, soit par des proches, des voisins, des collègues, d’une séparation, d’une recomposition, d’enfants élevés par des parents séparés remis en couple, ou par l’un des parents seul, de familles adoptives, de couples hétérosexuels contraints d’avoir recours à des PMA, d’enfants élevés par 2 hommes ou 2 femmes, comme ils peuvent l’être, par 2 couples hétérosexuels après séparation et recomposition (avoir 2 papas et 2 mamans, ça existe déjà fréquemment).
Bref, nous savons tous, par expérience, que des enfants peuvent être tout autant épanouis et disposer de tout autant d’amour, d’attention et de repères dans un modèle familial classique que dans une famille séparée ou recomposée, hétéroparentale, homoparentale ou monoparentale, biologique ou adoptive. Nous savons tous que la filiation biologique n’est pas nécessaire pour une éducation aimante, stable et heureuse, garantissant l’intérêt de l’enfant.
Nous le savons tous, comme nous savons que des enfants élevés dans une famille classique par leurs parents biologiques peuvent manquer d’amour, d’attention, de repères, d’équilibre. Ils peuvent aussi subir violences et abandon.
Cela va sans dire mais c’est toujours mieux en le disant.
Donc nous vivons dans une société où la configuration familiale évolue sans que cela ne soit préjudiciable aux enfants. Ce n’est pas un programme politique, c’est juste une observation tirée de la réalité.
Dans la réalité de nos vies, quels que soient nos lieux de vie, nos milieux sociaux, la famille « telle qu’elle doit être », reposant sur le « naturel » d’un père et d’une mère, n’est plus l’unique manière de faire famille depuis longtemps. Faire comme si c’était encore le cas c’est méconnaitre, oublier, refuser, la réalité.
Ainsi, notre droit positif doit-il prendre en compte ces évolutions de la parenté sans se contenter de vouloir coller à un mode de conception naturelle qui n’est plus le mode de parenté exclusif.
Les couples homosexuels mariés et les personnes seules peuvent devenir parents par adoption depuis les lois de 2013 pour les premiers et de 1996 pour les seconds. S’ils peuvent donc devenir parents par adoption, pourquoi ne le pourraient-ils pas grâce à la PMA ?
C’est ce que prévoit la future loi de bioéthique : permettre désormais aux couples de femmes et femmes seules d’accéder comme les femmes hétérosexuelles en couple, à une technique médicale leur permettant de pallier une impossibilité à concevoir un enfant par un acte sexuellement fécond.
Ici, c’est l’aspect médical de la technique qui fait douter certains : la médecine au service du sociétal !
C’est notre regard sur la médecine qu’il faut alors interroger. En effet, la PMA ne soigne rien, ni l’infertilité masculine, ni l’infertilité féminine.
La PMA est parfois prescrite aux couples hétérosexuels en cas d’infertilité médicalement avérée. Elle leur permet alors de procréer (à nouveau sans soigner la cause d’infertilité). Mais ce n’est pas toujours le cas. On évalue environ à 20% les PMA prescrites sans justification d’aucune pathologie (les conditions de vie, le stress, l’âge, sans qu’il ne soit nulle part établi jusqu’à quel âge on peut tenter de procréer naturellement…)
Il y a donc là recours à une technique, médicale certes, mais pas dans une visée de soin ou de guérison, et pas toujours dans des situations de constat médical d’infertilité.
Cette technique permet de faire aboutir le désir d’enfant et de faire famille des couples hétérosexuels. De fait, elle consacre la déconnexion du rapport sexuel et de la procréation. Puisque les femmes seules et les couples de femmes se voient reconnaitre la possibilité de faire famille par adoption, et que la loi reconnait la procréation déconnectée du rapport sexuel, rien n’empêche donc que le recours à cette technique leur soit désormais ouvert.
Ces éléments ainsi donnés, on voit bien qu’on est loin d’une quelconque revendication politique exorbitante qui serait celle, égoïste et capricieuse, d’un « droit à l’enfant ». Il y a simplement, fondamentalement, humainement, un désir d’enfant. Le parcours de PMA est très lourd et physiquement éprouvant. Ceux qui s’y engagent témoignent de beaucoup d’amour, de patience et d’abnégation. Permettons à cet amour de s’exprimer, d’où qu’il vienne.