#NeRienLaisserPasser

Jeudi dernier, le 8 mars, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, je me suis rendue, à l’invitation de Marine Rosset, qui y est professeure d’histoire, au collège Liberté de Drancy, dans le 93 pour participer à un débat organisé par les élèves de 3è autour de cette question : « A la suite de l’affaire Weinstein, de l’ensemble des témoignages de femmes victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles, que peuvent faire les femmes et hommes politiques et que faut-il changer dans notre société ?« .
Tout le collège était mobilisé depuis plusieurs semaines, via des expositions, la réalisation de courts métrages, ou la préparation de ce débat, sur le thème de l’égalité femmes-hommes.
Les échanges étaient édifiants et les élèves ont témoigné un réel intérêt pour notre travail sur le harcèlement de rue.
L’une des élèves nous a raconté à peu près cette désagréable aventure qui doit résonner ô combien communément à bon nombre de femmes : « Je suis dans le métro et j’ai la désagréable impression d’être fixée du regard, scrutée, examinée, bref, matée. Mais ce n’est pas qu’une impression, le type en face de moi me regarde comme s’il voulait me toucher. « Salut, on peut discuter un moment toi et moi ? » Ses yeux n’étaient pas suffisants, voilà qu’il se met à utiliser sa bouche. « Euh, non, ça va aller, merci. » C’est lui qui m’importune et c’est moi qui ai l’air tarte. « Non mais je te trouve vraiment mignonne, viens on va prendre un café et apprendre à se connaître ». Mais il est lourd ce mec ! « Je viens de vous dire non, je peux finir mon trajet tranquillement ? » « Allez, profite de l’occasion, ça ne doit pas t’arriver souvent… ». Encore quelques secondes et il m’insulte. Tant pis, je descends ici, j’aurai un peu plus de marche mais au moins je serai débarrassée de ce lourdingue. Je le crois pas, il descend aussi. Non mais j’hallucine ou il est en train de me suivre ? Mais c’est pas vrai, qu’est-ce qui lui prend à ce type, j’ai fait exprès de mettre des fringues informes pour ne pas être dérangée. Allez ma grande, on passe la seconde, vite le bus. C’est bon, les portes se sont refermées à temps, j’ai réussi à le semer. »
Vous trouvez cette scène normale ? Pourtant aujourd’hui, rien ne la rend illégale. C’est là tout le sens du rapport que j’ai rendu avec mes quatre collègues Sophie Auconie, Laetitia Avia, Erwan Balanant, Marietta Karamanli aux ministres Marlène Schiappa, Nicole Belloubet et Gérard Collomb.
Nous espérons que la verbalisation de l’outrage sexiste, autrement dit du « harcèlement de rue », terme impropre puisque cela n’a pas lieu seulement dans la rue mais dans toutes les sphères de l’espace public, sera dans la prochaine loi présentée fin mars.
Pourquoi nous pensons que verbaliser est primordial pour lutter contre les attitudes sexistes et violences faites aux femmes ?
Verbaliser c’est instaurer un nouvel interdit. Bien évidemment, il n’y aura pas de policier derrière chaque femme, mais il n’y a pas de policier derrière chaque feu rouge et pourtant tout le monde s’arrête. En verbalisant, on pose un nouvel interdit social, qui s’inscrit dans les mentalités.
Il s’agit de réaffirmer que l’espace public est neutre et égalitaire. Que chacune et chacun est libre d’y circuler, sans s’autocensurer dans son comportement, dans sa manière de s’habiller, sans changer son trajet, sans changer d’horaire. Aujourd’hui, en France, 8 femmes sur 10 ont peur quand elles sortent le soir. Verbaliser c’est combattre ce sentiment d’insécurité.
Mais il s’agit aussi de reconnaître un statut aux femmes qui subissent ces comportements. Pour qu’elles n’aient plus honte, pour qu’elles ne se sentent plus coupables, d’avoir porté une jupe, d’être sortie un peu trop tard, d’avoir le sentiment de l’avoir provoqué. C’est leur donner le courage de dire non en ayant plus la certitude que ce non sera entendu, rappeler qu’elles ont une dignité, qu’elles ne doivent pas accepter ce type de comportement. En verbalisant, on démontre que la loi de la République française est de leur côté.
Gestes déplacés, sifflements, regards insistants, remarques obscènes… l’outrage sexiste représente le premier niveau de violences faites aux femmes. Le sanctionner, c’est aussi limiter les passages à l’acte sur des faits plus graves. Ce soir, elle a réussi à le semer mais demain elle pourrait connaître pire. Verbaliser l’outrage sexiste c’est à long terme prévenir et empêcher les faits de plus grande envergure : le harcèlement sexuel, les violences physiques, l’agression sexuelle, le viol.
Comment faire pour être au plus efficace ?
Nous n’avons pas voulu que cette mesure soit une mesure « en l’air ». L’égalité entre les hommes et les femmes a été érigée grande cause du quinquennat. Nous souhaitons que la loi qui sera portée en avril puisse ancrer l’engagement dans une nouvelle ère, pour laquelle nous ne laisserons plus rien passer.
Pour cela, un seul mot, l’efficacité ! L’auteur d’outrage sexiste se verrait puni d’une contravention de 4e classe infligée par un policier ou un gendarme, comme pour une infraction au code de la route. En France, c’est la sanction la plus sévère sans avoir à passer devant un juge. Elle permettra d’éviter les dépôts de plainte – démarche souvent décourageante pour les victimes – et n’engorgera pas les commissariats et tribunaux.
La nouvelle police de sécurité du quotidien pourra être mobilisée à cet effet. Renforcée de 10,000 agents sur tout le territoire, elle aura à sa disposition des nouveaux moyens qui lui permettront d’œuvrer plus effectivement à la protection des citoyennes et des citoyens.
En cas de récidive, il est proposé en peine complémentaire, de créer un stage de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes. En effet, au-delà de la verbalisation, l’éducation et la prévention sont essentielles.
C’est pourquoi nous préconisons également des mesures concrètes pour agir en amont, sur l’éducation.
Il s’agit de faire bouger les mentalités dès le plus jeune âge pour bien faire connaître l’échelle des violences faites aux femmes, les possibilités d’action et les sanctions.
Nous proposons ainsi notamment de créer une attestation scolaire de prévention des violences et de l’égalité filles-garçons délivrée au collège et obligatoire pour la convocation à la Journée Défense et Citoyenneté.
Cette attestation aurait une double portée :
-une portée effective, qui permettrait à tous les élèves d’avoir la même sensibilisation et la même prévention à l’égalité fille-garçon partout sur le territoire français
-une portée symbolique forte qui affirmerait qu’être citoyen français au XXIème siècle, c’est être un citoyen, femme ou homme, qui jouit des mêmes droits, des mêmes devoirs et qui ne peut être traité différemment ni subir des violences en raison de son genre.
Pour consulter l’intégralité du rapport cliquez ici 
Le 8 mars, comme tous les autres jours, au collège de Drancy qui porte le si joli nom de Liberté, comme partout dans notre société, il s’agit de réaffirmer que la lutte contre les attitudes sexistes et les violences faites aux femmes est notre priorité !