Les réactions à l’intervention de la présidente de la section locale de l’UNEF de l’université Paris IV sont fondées. En effet, Il y a de l’hypocrisie ou de la naïveté à ne pas mesurer la signification politique de ce qu’une même personne puisse arborer un voile islamique et représenter un mouvement étudiant.
Soyons clairs, la laïcité permet à cette jeune femme de faire les deux et il n’y a pas lieu de le remettre en cause. En revanche, c’est sur le terrain strictement politique que cette double appartenance revendiquée pose problème.
Doit-on mettre en avant ses opinions religieuses alors que l’on est interrogée en tant que représentante politique ou syndicale ? Pourquoi doubler un discours public d’une connotation religieuse ? Cette propension du religieux à investir l’espace public n’est pas illégale mais elle est inquiétante. La séparation du temporel et du spirituel fonde notre République et quelque part l’identité moderne de notre pays. Est-on vraiment prêt à la remette en cause ? Est-on vraiment prêt à cheminer vers un modèle multiculturel à l’anglosaxone ? Pour ma part, je reste profondément attachée à cette séparation. Certes, la République doit continuer à garantir la liberté individuelle mais il est de la responsabilité de chacun de ne pas remettre « l’église au centre du village ».
Pour ce qui me concerne, je porte 2 médailles autour de mon cou : l’une d’elle est un Haï, un mot hébreux, combinaison de deux lettres qui signifie « La Vie », l’autre est une menorah, chandelier à 7 branches, le plus vieux symbole du judaïsme. A chaque fois que je dois intervenir dans un débat public, à la télévision, dans l’hémicycle ou ailleurs, je m’efforce de les cacher. Je n’arrête pas d’être juive mais je mets cette identité entre parenthèses, le temps du débat public, car si ma judéité contribue évidemment à façonner ce que je suis et ce que je pense, quand je m’exprime, je ne le fais pas en tant que représentante de la communauté juive mais en tant que représentante de la communauté nationale. Certes, cette jeune syndicaliste n’est pas députée mais je considère que ce même principe de séparation est fondamental dès lors qu’elle intervient dans un débat public qui ne concerne en rien son appartenance religieuse. Je considère par ailleurs que le religieux prend trop de place ces dernières années sur la place publique. Je comprends le besoin de spiritualité, je le partage même, mais il est des lieux et des moments ad hoc, qui permettent de vivre sa foi sans l’imposer au public.