Antisémitisme : des paroles aux actes

En pleine prise de conscience nationale contre l’antisémitisme, la haine anti juive continue à déferler : croix gammées à Paris, dans le 14è, dans le 17e, flot de commentaires antisémites tels que « Heil Hitler » et « sales juifs », ainsi que des « appels au meurtre explicites » sur le Facebook Live que France 3 Alsace a dû suspendre après la visite du Président de la République au cimetière profané de Quatzenheim, conférence sur la mémoire de la shoah à l’EHESS perturbée par des injures antisémites et, sur le Media, la chaine de la France Insoumise, on affirme tranquillou que « quelqu’un qui regarderait de loin ce que la communauté nationale fait pour la communauté juive, comparé à ce qu’elle fait pour les autres, peut nourrir le ressentiment et donc l’antisémitisme ».

A l’évidence, il ne suffit pas de manifester « tous ensemble rassemblés et unis autour des valeurs de la République pour dire NON CA SUFFIT, ma France ce n’est pas ça ! »

En 2018, les français juifs, qui représentent moins de 1% de la population, ont subi 55% des violences racistes subies en France. Avec une augmentation de 74% des actes antisémites en 2018 (actions + menaces), la terrible réalité s’impose à nous tous : l’antisémitisme en France en 2018 est quotidien et violent. Et non, « la communauté nationale » n’en en fait pas trop pour le combattre ! Au contraire, au-delà des mots, il faut désormais des actes concrets. Des actes concrets pour prévenir l’antisémitisme, le débusquer et le dénoncer là où il se trouve, des actes concrets pour le poursuivre et le sanctionner.

D’ores et déjà, le ministère de l’intérieur et la Dilcrah ont initié depuis plusieurs mois des formations pour les policiers en partenariat avec la maison d’Izieu et le mémorial de la Shoah.

La loi pour la réforme de la Justice, adoptée définitivement la semaine dernière prévoit de faciliter la sanction des auteurs sur Internet de propos racistes, antisémites, sexistes ou homophobes, par le biais d’une procédure simplifiée. Le dépôt de plainte en ligne va également dans le sens de plaintes beaucoup plus systématiques.

Emmanuel Macron a également, à cet égard, prononcé ce 19 février, à l’occasion du dîner du CRIF, un discours significatif dans lequel il a annoncé les mesures fortes suivantes :

➡ Projet de loi déposé par Laëtitia Avia pour lutter contre les contenus haineux sur internet. Basée sur les conclusions du rapport annoncé par le président lors du diner du CRIF 2018 et confié à Laëtita Avia, Gil Taïeb et Karim Amellal, cette loi reposera sur 4 piliers :

❌ Obligation pour les plateformes de retirer les contenus haineux sous 24h max

❌ Procédure de signalement des contenus haineux simplifiée et unifiée

❌ Levée plus efficace de l’anonymat en cas de délit

❌ Blocage définitif des sites haineux

➡ Audit des établissements scolaires touchés depuis plusieurs années par la déscolarisation des enfants juifs

➡ Dissolution de plusieurs associations racistes ou antisémites, à commencer par Bastion social, Blood and Honour et Combat 18

➡ Partenariat et financement intensifié avec la fondation pour la mémoire de la Shoah

➡ Mise en œuvre par la France de la définition de l’IHRA (alliance internationale indépendante pour la mémoire de la Shoah)

(https://european-forum-on-antisemitism.org/definition-of-antisemitism/francais-french)

Ce dont il s’agit ici c’est de donner des moyens aux enquêteurs, magistrats, enseignants et tous ceux qui ont à déceler l’antisémitisme et à le combattre, de le reconnaitre sous toutes ses formes, de fournir un guide pratique permettant d’identifier les incidents à caractère antisémite, de rassembler des données afin de rendre les poursuites plus effectives.

Cette définition propose une liste d’attitudes non exhaustives qui vont de « Appeler à tuer et à faire souffrir les juifs, de même que soutenir ou justifier ces exhortations, au nom d’une idéologie radicale ou d’une vision religieuse extrémiste » à « Tenir les juifs de manière collective pour responsables des actions de l’Etat d’Israël ».

Pourquoi, dans cette ambiance si bienveillante d’union nationale contre l’antisémitisme, la crispation devient-elle tangible dès que l’on dit le mot « antisionisme » ?

Probablement parce qu’on ne sait pas exactement ce qu’il recouvre et qu’on veut pouvoir, au nom de la liberté d’expression, continuer à dire tout le mal qu’on pense de la politique de Benjamin Netanyahu. Qu’on se rassure, la définition de l’IRHA précise bien que « les critiques à l’égard d’Israël comparables à celles exprimées à l’encontre d’autres pays ne peuvent être qualifiée d’antisémites. » Comparables à celles exprimées à l’encontre d’autres pays…

Ainsi que le disait Albert Camus, « Mal nommer les choses rajoute aux malheurs du monde ». Ainsi, me semble-t-il essentiel de rappeler que le sionisme est un mouvement d’émancipation nationale fondé par Théodore Herzl dans l’Europe du 19e siècle qui voit surgir cette idée que chaque peuple peut avoir son état.

Être sioniste c’est donc être favorable à ce que les juifs comme tous les autres peuples au monde, y compris les palestiniens, puissent avoir un état.

Être antisioniste c’est nier ce droit et vouloir la destruction de l’état d’Israël.

Remet on en cause le droit à exister des États-Unis ou de l’Italie au motif que Trump ou Salvini seraient nos ennemis politiques ?

En tant que démocratie, toutes les grandes questions idéologiques, politiques, sécuritaires et sociales sur lesquelles les différents partis se déchirent en Israël sont légitimes et ne justifient en rien que l’on remette en cause son existence.