Mercredi dernier, la commission mixte paritaire s’est réunie pour tenter de trouver un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, dont je suis la rapporteure. Cette réunion n’a pas aboutit. Face à une situation éminemment complexe, les Républicains, majoritaires au Sénat, ont préféré la posture au pragmatisme en choisissant d’adopter une position de dureté qui n’est pas à la hauteur des enjeux de la question migratoire.
Le Sénat souhaite supprimer l’aide médicale d’État (AME). C’est un choix inacceptable, qui met en danger non seulement les étrangers en situation irrégulière mais aussi nos concitoyens. En effet, supprimer l’AME, c’est refuser qu’en République française des êtres humains aient le droit fondamental de se faire soigner. Le Sénat avance que la suppression de l’AME serait une source d’économies pour nos finances publiques. Cette vision à court terme est erronée : la prise en charge rapide des malades prévenant la dégradation de leur état de santé, c’est autant de dépenses de soin plus lourdes qui sont évitées. De plus, comme l’a souligné la Ministre de la Santé Agnès Buzyn, cette suppression conduirait à un engorgement de nos urgences hospitalières.
Le Sénat a supprimé également la carte de séjour pluriannuelle de 4 ans que nous avions mis en place pour les apatrides et les bénéficiaires de la protection subsidiaire, pour qui le droit de séjour n’est que de 1 an en l’état actuel de notre droit. L’Assemblée nationale proposait donc de porter ce délai de 1 à 4 ans, ce que le Sénat a refusé. Cette carte pluriannuelle est pourtant une avancée majeure. On le sait, les crises qui frappent les pays d’origine des apatrides et des bénéficiaires de la protection subsidiaire sont souvent de longue durée : il est donc inutile de leur demander de formuler une nouvelle demande chaque année, d’autant que la procédure est longue et complexe. Ce faisant, nous donnons plus de visibilité pour ceux qui sont accueillis sur notre territoire, tout en désengorgeant nos services administratifs chargés de traiter leurs demandes.
Enfin, le Sénat souhaite mettre en place des quotas d’accueil des migrants, avec une discussion annuelle devant le Parlement pour fixer le nombre de personnes autorisées à entrer sur notre territoire. L’argument avancé par les sénateurs selon lequel la démocratie sortirait grandie d’un tel débat n’est que de façade. En effet, cette discussion constituerait davantage en des déclarations de principe politiciennes qu’un examen précis et rigoureux de critères objectifs. Par ailleurs, Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, avait soulevé dans son rapport de 2008 que la mise en place de quotas était non seulement irréalisable mais surtout inefficace.
Face à cette attitude absolutiste de la droite sénatoriale, les députés du groupe LaREM sont résolus à rétablir l’équilibre nécessaire à ce projet de loi, tout en faisant preuve d’ouverture d’esprit en reprenant les dispositions les plus protectrices de nous collègues sénateurs. Notre groupe s’est réuni la semaine dernière pour retravailler le texte modifié par le Sénat, et je suis heureuse de constater une grande convergence de vues de nos députés pour rétablir cet équilibre.
Pour ma part, je continue d’être active, notamment sur le terrain. J’étais d’ailleurs jeudi dernier à Estrablin dans l’Isère près de Vienne, répondant à l’invitation de ma collègue Caroline Abadie, pour échanger avec nos concitoyens sur le projet de loi et répondre à leur interrogations.
C’est donc en responsabilité, fidèles à nos valeurs, que nous abordons cette 2ème lecture à l’Assemblée nationale, déterminés à apporter une solution réaliste à l’un des plus grands défis que l’Europe ait connu ces dernières décennies, en faisant preuve d’exigence mais aussi d’humanité.